Extrait du roman

A la recherche du monde parfait

Roman dystopique de science fiction

Il ne fut pas surpris quand il croisa les yeux de la jolie eurasienne penchée au-dessus de lui. Son uniforme blanc scintillant indiquait clairement qu’elle faisait partie du personnel médical.
– Tout va bien, monsieur Froster ? demanda-t-elle d’une voix mélodieuse, où se mêlaient empathie et positivité.
– Oui, très bien, merci Yui, fit-il, l’esprit encore un peu embrumé.
Le sérum de réveil commençait lentement à produire son effet, et son cerveau reprenait progressivement contact avec la réalité. Dans quelques minutes, il serait sur pied.
Il n’avait pas choisi lui-même le prénom exotique de son infirmière. La Dreamnet Inc décidait seule du nom de ses employés, même si elle offrait par ailleurs un choix étendu d’options à des clients comme lui. Entre autres, celle du profil des techniciennes de réveil chargées d’assister les clients à la sortie de leur immersion. Et Dean avait pu faire un choix approprié parmi plusieurs centaines de modèles proposés.
– Il vous reste 2 heures de crédit pour ce mois, reprit-elle, avec une nuance de regret dans la voix. Nous espérons vous revoir bientôt.
– Bien sûr, Yui.
Deux heures, songea-t-il…il avait presque épuisé son quota. Même si dans le Teravers le temps semblait passer bien plus lentement, il n’avait plus droit qu’à une ou deux plongées pour ce mois. Une précaution pour éviter des dommages neuronaux, lui avait-on expliqué. Mais Dean était convaincu que les raisons étaient toutes autres.

Maintenant pleinement rétabli, il se leva et jeta un dernier regard sur son infirmière. Sa peau lisse et quasi translucide, ses pommettes hautes et ses yeux rieurs étaient parfaits. Seule une petite marque sur sa tempe attestait qu’elle faisait partie des androïdes, que l’on retrouvait couramment dans les activités de la vie quotidienne.
Dean lissa la fourrure de son vêtement et vérifia son apparence dans le reflet holographique apparu au-dessus de lui.
Satisfait, il se dirigeait vers la sortie quand il croisa un individu revêtu d’une peau de mouton, qui bêla à son approche. Certains en font vraiment trop, se dit-il en lui-même.
Il passa enfin le majestueux portique illuminé de la Dreamnet. Dans les colonnes raffinées  évoluaient dans un liquide bleuâtre des créatures aux couleurs pastel irisées semblables à des méduses. Des espèces ramenées d’une des lunes de Pluton, dont l’importation était très réglementée. Mais la Dreamnet avait de solides relations.
Les passants qui déambulaient dans la rue avaient pour la plupart opté pour un spectre animalier. Dean aperçut un lémurien, une poule, un panda roux, et un caméléon particulièrement bien réussi dans ses changements de couleur. On voyait moins souvent des personnages parmi la foule, car ils n’étaient pas toujours connus des citoyens lambda et passaient donc inaperçus, ce qui n’était vraiment pas le but recherché. Il identifia un Albert Einstein, personnalité qui avait défié les siècles et bénéficiait encore d’une certaine notoriété.
Il fut frappé par le silence qui régnait. Malgré les nombreux passants, on pouvait presque entendre le bruit du vent entre les tours. Les convenances voulaient qu’on évite de parler fort ou de crier, et les conversations dans la rue se faisaient à voix feutrée. Quant aux véhicules de transport, ils n’émettaient qu’un léger chuintement, destiné à avertir les piétons. Rien à voir avec le vacarme des années 1980 et les klaxons des voitures.

Format livre de poche ou e-book – 239 pages